Écouter du Mozart pour devenir plus intelligent ? L’apprentissage ne peut se faire que jusqu’à l’âge de trois ans ? Nous n’utilisons que 10% de notre cerveau ? Toutes ces idées très répandues sur le développement du cerveau s’avèrent en réalité fausses. Ce sont des neuromythes, des croyances infondées sur le cerveau. Aujourd’hui, les experts en éducation voient dans les neurosciences une source de progrès pour un apprentissage plus égalitaire et efficace.
Fort d’un vrai succès médiatique et d’un intérêt populaire croissant, le concept de « neuro-éducation » est né. Les enseignants sont des professionnels de la plasticité cérébrale de leurs élèves lorsque ceux-ci apprennent. Ils ne peuvent donc pas laisser perdurer des rumeurs fausses et nuisibles. Il est aussi de leur devoir de pédagogues et scientifiques de leur apporter des connaissances sûres. Découvrez les neuromythes les plus connus ainsi que des explications fondées pour chacun d’eux.
Neuromythe n°1 : Nous n’utilisons que 10% de notre cerveau
Il s’agit du neuromythe le plus populaire même si nous ignorons à ce jour la source première de ce mythe. Certains l’attribuent à un neurochirurgien italien qui, au 19ème siècle, traitait ses patients en leur prélevant des morceaux de cerveau pour mieux déterminer les causes de leur maladie. D’autres l’attribuent à Albert Einstein qui se serait moqué d’un journaliste en lui disant que le niveau de ses questions était tel qu’il ne devait utiliser que 10% de son cerveau. Et le monde du cinéma n’a fait que renforcer cette croyance avec le film “Lucy” de Luc Besson.
Pourquoi est-ce une fausse croyance ? Plusieurs spécialistes, notamment le neurologue Barry Beyerstein ont démontré que l’homme exploitait chacune de ses zones cérébrales. Les techniques d’imagerie médicale et cérébrale confirment que le cerveau est constamment actif, même durant notre sommeil ! Mais attention ! S’il le cerveau est surstimulé, cela peut conduire à une saturation de la mémoire de travail.
Neuromythes n°2 : Tout se joue avant l’âge de 3 ans
Même si cette idée fait partie des neuromythes les plus populaires, celle-ci n’est pas complètement fausse. Selon cette croyance, le développement des connexions neuronales est particulièrement intense durant les 3 premières années de la vie, et ce rythme a tendance à ralentir au fil des années.
Au début du XXe siècle, Maria Montessori a constaté que durant ses 3 première années, l’enfant subit un pic de réceptivité et d’enthousiasme vis-à-vis de l’apprentissage. Puis, les neurosciences ont montré qu’au cours de ces années avait lieu une croissance synaptique très importante, propice à l’apprentissage.
Pourquoi est-ce une fausse croyance ? Il ne faut pas croire que “tout est joué” avant 3 ans et qu’on est dans l’incapacité d’apprendre de nouvelles choses par la suite. En effet, même si le développement des connexions neuronales ralentit, il ne s’interrompt pas pour autant. Des recherches menées à Stanford montrent d’ailleurs que, contrairement à ce qu’on pensait encore il y a plus de 10 ans, certaines zones du cerveau continuent à produire des neurones, même à l’âge adulte. L’homme est neurologiquement programmé pour apprendre toute sa vie, et cela est vrai même au plus ancien des âges.
De plus, la spécialiste Catherine L’Ecuyer explique que ce qui prime durant les 3 premières années de l’enfant c’est la relation affective. « Plus on répond aux besoins de base de l’enfant, plus cela développe sa confiance et l’estime de soi, plus le lien d’attachement est sécurisant. C’est une période « sensible » pour l’attachement mais ce n’est pas une période critique pour les apprentissages. » Mieux vaut donc privilégier la relation avec son enfant plutôt que de faire du « bourrage de crâne ».
Neuromythes n°3 : Le « cerveau gauche » et le « cerveau droit »
Selon ce neuromythe, le « cerveau droit » serait le siège des émotions, de l’imagination et de la créativité, tandis que le cerveau gauche serait l’ère de la logique. Déterminer lequel des deux hémisphères a le plus d’influence permettrait d’adapter les apprentissages. Cette croyance provient d’une mauvaise interprétation de résultats d’études en neurosciences.
Pourquoi est-ce une fausse croyance ? Des chercheurs de l’Université de l’Utah ont analysé le fonctionnement d’un millier de cerveaux par IRM. Ils ont montré qu’il n’y pas de dominance d’une partie du cerveau sur l’autre. Les deux hémisphères sont connectés en permanence et travaillent simultanément. Un individu n’est jamais totalement analytique ou totalement créatif !
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Neuromythes n°4 : On n’apprend bien que dans son style d’apprentissage
Selon ce neuromythe, nous développons tous des préférences d’apprentissage (certains seraient plus visuels, d’autres plus auditifs, ou encore kinesthésiques). Il faudrait nous enseigner en utilisant notre canal préféré pour améliorer et renforcer nos apprentissages.
Pourquoi est-ce une fausse croyance ? Ce qui est vrai, c’est que nous pouvons avoir effectivement des préférences. Par contre, ce qui est plus que remis en question, c’est le fait que nos préférences renforceraient d’emblée la qualité de nos apprentissages. Aucune étude n’a démontré de lien entre la modalité sensorielle utilisée et l’efficacité de la méthode d’apprentissage.
De plus , la grande majorité des études menées au cours des dernières années démontre que ce n’est pas la mobilisation d’un seul canal, mais bien de PLUSIEURS canaux, qui consolide nos apprentissages.
En somme, il faut tenir compte de la sensibilité des apprenants et combiner plusieurs manières d’enseigner.
Neuromythe n°5 : La « gym cérébrale »
La Gym Cérébrale (Brain Gym) consiste à faire des exercices de coordination pour optimiser le développement du cerveau. Les mécanismes neurologiques, comme la lecture seraient influencés par des exercices physiques spécifiques comme ceux visés par les mouvements croisés. Des exercices de coordination entre les deux côtés du corps, permettraient de reproduire une connexion entre les neurones. Ainsi, d’optimiser le développement du cerveau, d’améliorer la concentration, la mémoire et l’apprentissage.
Pourquoi est-ce une fausse croyance ? Selon Steeve Masson, il n’existe pas de données empiriques solides qui démontreraient les effets de ces mouvements sur la reconnexion des deux hémisphères. Les principes à la base de la Brain Gym ont été invalidés par la science. Toutefois, la Brain Gym reste de l’exercice physique et l’exercice physique est recommandé pour la santé. Les neurosciences confirment toutefois que l’exercice physique contribue à l’activation de régions cérébrales liées à l’attention et à la concentration.
Neuromythe n°6 : Écouter Mozart rend plus intelligent
Cette idée découle d’une étude réalisée en 1993 par Gordon Shaw, physicien Francis Raucher, ancien violoncelliste de concert et expert en développement cognitif qui lancent l’hypothèse et donne naissance au mythe le plus connu, celui de l’effet Mozart. Il s’agit de l’étude selon laquelle des étudiants ayant écouté la Sonate pour deux pianos en ré majeur de Mozart (K 448) ont présenté une nette amélioration lors d’un test de raisonnement spatial. Shaw et Rauscher sont à l’origine d’une véritable industrie. Ils ont créé leur propre institut: le Music Intelligence Neural Development Institute (ou M.I.N.D.)
De plus, un engouement fulgurant se déclencha par les médias pour le musicien et entrepreneur Don Campbell, qui publia en 1997 le best-seller L’effet Mozart: Exploiter le pouvoir de la musique pour soigner le corps, renforcer l’esprit et déverrouiller l’esprit créatif. Selon Campbell, la musique de Mozart posséderait des pouvoirs miraculeux pour le cerveau. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre et les rats, plantes ainsi que les femmes enceintes écoutent du Mozart. Même le gouverneur de Géorgie a fait envoyer des CD de musique classique aux parents de nouveau-nés de l’État.
Pourquoi est-ce une fausse croyance ? Des méta-analyses effectuées sur l’effet Mozart présentaient des résultats contradictoires. Jakob Pietshnig de l’université de Vienne (Autriche) et ses collègues, dans un article paru dans la revue Intelligence, ont ainsi mené près de 40 études, 104 échantillons indépendants et plus de 3 000 participants sur le sujet. Ils en ont conclu ceci :
1. Des échantillons de personnes ayant écouté la sonate de Mozart KV 448 ont obtenu des résultats significativement supérieurs dans les tâches spatiales que des échantillons de personnes exposés à des stimuli non musicaux ou à l’absence de stimulus.
2. Des échantillons de personnes ayant écouté un autre type de musique ont obtenu des résultats significativement plus élevés pour les tâches spatiales que des échantillons de personnes exposés à des stimuli non musicaux ou à l’absence de stimulus.
3. La taille des études menées par des chercheurs affiliés aux laboratoires de Frances Rauscher (la chercheuse à l’origine de « l’effet Mozart ») était trois fois plus élevée par rapport aux études publiées par d’autres laboratoires.
Jakob Pietshnig et ses collègues chercheurs concluent :
« Dans l’ensemble, il ne reste que peu de choses pour soutenir la notion d’une amélioration spécifique de l’exécution de tâches spatiales par l’exposition à la sonate KV 448 de Mozart. »
C’est-à-dire que l’effet Mozart n’exerce pas un effet miracle sur la capacité intellectuelle.
Comment éradiquer ces neuromythes ?
Nous avons récemment réalisé une interview avec M. Philippe Lacroix, co-fondateur de ILDI – Conseil digital learning, edtech, stratégie de formation mais aussi co-auteur du livre « Neurolearning » écrit avec le Dr Nadia Medjad et Philippe Gil, pour échanger sur la neuropédagogie : comment les neurosciences éclairent aujourd’hui la pédagogie à l’ère digitale pour développer une formation professionnelle plus performante et plus motivante. M. Lacroix explique que la première chose à faire pour combattre les neuromythes c’est d’en parler. Il faut former les formateurs et enseignants sur l’impact de ces fausses croyances qui peuvent nuire à l’apprentissage.
Ainsi, avant d’adopter des stratégies ou de développer des outils fondés sur les recherches sur le cerveau, enseignants et formateurs doivent faire une lecture attentive et critique des recherches et de leur réelle
applicabilité dans une salle de classe ou au sein d’une formation.
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